
Bugatti EB110 : L’Épopée Captivante de la Supercar Ultime
Pour tous les passionnés d'automobile à travers le monde, le nom Bugatti résonne comme une légende intemporelle. Après plusieurs décennies d'inactivité, un entrepreneur italien ambitieux décide de relancer cette marque emblématique avec l'objectif de créer la supercar ultime. Avec un succès technologique indéniable et une clientèle prestigieuse, la marque connaît cependant une chute spectaculaire seulement cinq ans plus tard.
Le 15 septembre 1991, sur le parvis de La Défense, une foule impressionnante de 2000 invités, comprenant d'illustres personnalités du cinéma, du sport et des médias, se rassemble devant le CNIT. Ils sont réunis pour vivre un moment exceptionnel : la renaissance de Bugatti.
La marque, tel un phénix émergeant de ses cendres, dévoile sa nouvelle voiture de sport, la fameuse EB 110. Cet événement est également l'occasion de célébrer le 110e anniversaire de la naissance d'Ettore Bugatti, l'un des plus grands génies de l'industrie automobile et fondateur de la marque.

En 1987, Romano Artioli acquiert les droits de Bugatti et devient président de Bugatti Automobili S.p.A. Après deux années de négociations avec le gouvernement français, il réussit à obtenir le précieux nom auprès de Messier-Bugatti, une filiale de Snecma.
Cap sur l'Italie !
Bien que Molsheim, berceau historique de Bugatti, ait été envisagé, Artioli choisit d'implanter ses opérations à Campogalliano, près de Modène, véritable cœur de l'automobile en Italie. En se rapprochant des grandes marques sportives italiennes, il espère attirer les meilleurs ingénieurs, designers et assembleurs du monde. Son plan se réalise avec brio.
Rapidement, des centaines de nouveaux employés affluent vers ce site de production moderne, à l'image de la marque. La « Fabbrica Blu », un édifice emblématique conçu par un architecte de renom, arbore fièrement les couleurs de Bugatti. Avec ses grands tuyaux de ventilation blancs, elle symbolise le cœur battant de l'usine.
Un rêve devenu réalité
La passion d'Artioli pour les voitures découle de ses racines italiennes. Né près de Mantoue, la ville de Tazio Nuvolari, il est captivé dès son enfance par les pilotes et leurs bolides. En 1952, Bugatti cesse néanmoins sa production, mais le jeune Artioli se promet de tout mettre en œuvre pour redonner vie à la marque.
Il faudra attendre 39 ans pour que son rêve se réalise. Entre-temps, il évolue dans le monde de l'automobile comme importateur de GM et de Suzuki, tout en se forgeant une solide réputation en tant que concessionnaire Ferrari. Sa collection privée témoigne de sa passion : elle regorge de Bugatti, des trésors qu’il chérit.
L'usine la plus moderne du monde
Les années suivantes marquent la naissance de l’usine automobile la plus moderne au monde, située à proximité des prestigieuses marques Ferrari, Maserati, De Tomaso et Lamborghini. Cet ambitieux projet, s’étalant sur 240 000 m², comprend un bâtiment administratif, un studio de conception, un département de développement et d'essai des moteurs, des hangars de production, une piste d’essai, une cantine haut de gamme et une salle d’exposition.
Les hangars, baignés de lumière naturelle et équipés de climatisation, offrent une atmosphère où les employés se sentent presque en plein air. Pour concevoir cet espace innovant, Artioli fait appel à son cousin, Giampaolo Benedini, un architecte visionnaire qui crée un bâtiment inspirant, destiné à devenir un modèle pour d'autres fabricants.
Une histoire d’hommes
Pour concrétiser sa vision, Artioli s'entoure des plus grands talents du secteur. Il recrute ainsi Paolo Stanzani en tant que “Direttore Tecnico”, un choix stratégique qui marque le début d’une collaboration intense. Stanzani conçoit un châssis en aluminium superposé et riveté, mais Artioli, en quête d’excellence, désire quelque chose de différent. Un premier clash éclate alors :
« Stanzani travaillait sur un nouveau modèle de Lamborghini. Moi, je voulais une Bugatti. Une voiture qui surpasse les productions italiennes de l'époque. Il fallait un châssis rigide et résistant, en contraste avec les modèles en aluminium, efficaces en compétition mais trop fragiles pour une supercar », raconte Artioli.
Une fiche technique unique
Les ingénieurs, partis d’une feuille blanche, s’attaquent à la création des 9000 pièces nécessaires à l’EB110. Le cahier des charges de cette nouvelle Bugatti est ambitieux, voulant faire éclipser toute concurrence, tout comme les premières voitures de la marque l’avaient fait par le passé.
Pour la première fois dans un véhicule de série, une monocoque en carbone de seulement 125 kg, fabriquée par l'entreprise française Aérospatiale, est utilisée. La carrosserie, à la fois aérodynamique et élégante, allie aluminium, carbone et plastique renforcé de fibres d'aramide. Les vis, en titane, ajoutent à la légèreté et à la résistance de la construction.
Cette voiture sera dotée d’une transmission intégrale et de deux différentiels, promettant une agilité exceptionnelle grâce à un empattement court qui facilitera les changements de direction, même sur les routes de montagne sinueuses.
Un moteur exceptionnel
Pour Artioli, il était impensable d’équiper sa supercar d’un moteur standard. « Nous n’allions pas intégrer un moteur Ford ou Chevrolet dans notre châssis, même si cela aurait été plus simple. Une Bugatti mérite un moteur Bugatti, et c’est exactement ce que nous avons conçu », affirme-t-il avec passion.
Les ingénieurs se lancent dans la création d’un formidable V12 de 3,5 litres, doté de quatre turbocompresseurs et de cinq soupapes par chambre de combustion, totalisant ainsi 60 soupapes. Cette innovation propulse la puissance à 560 ch, un véritable record à l’époque. Le bloc moteur, fabriqué en aluminium et en magnésium, nécessite 15 litres d’huile pour assurer une lubrification optimale.
La supercar ultime
Lorsque l’EB110 est enfin présentée, elle crée l’électrochoc. Instantanément, elle est reconnue comme la meilleure supercar de l'histoire. Avec son comportement routier exceptionnel et sécurisant, l’EB110 ne se contente pas d’être la voiture la plus rapide ; elle offre également une expérience de conduite inégalée.
Avec une vitesse maximale de 351 km/h et un impressionnant 0 à 100 km/h en seulement 3,26 secondes, l'EB110 s'affirme comme la voiture de série la plus rapide de son époque. De plus, ces performances d’exception s’accompagnent d’un confort remarquable : direction assistée, réglage électrique des sièges, climatisation, système audio haute-fidélité et verrouillage central sont quelques-unes des caractéristiques dignes d'une limousine, enrichies par l’utilisation de matériaux nobles.
La fin d’un rêve
Malgré une demande florissante, même avec des personnalités telles que Michael Schumacher passant commande de leur Bugatti, l’horizon commence à s’assombrir. La crise financière mondiale se profile et les temps changent.
La crise du Golfe, la hausse du yen et l’effondrement de l’économie italienne compliquent les choses pour Bugatti. Pendant ce temps, Artioli investit dans Lotus et fait face à des défis majeurs avec son entreprise d’importation de voitures, dont un litige avec Suzuki. Parallèlement, la marque rencontre des difficultés avec ses fournisseurs.
L’effondrement du marché
Le marché des supercars s’écroule, et rapidement, Artioli se retrouve dans l'incapacité de régler ses fournisseurs. En tout, seulement 96 exemplaires de l’EB110 GT et 32 unités de l’EB110 Super Sport sont produits.
La limousine EB112, présentée en 1993, ne sera jamais fabriquée. Finalement, l’usine ferme définitivement ses portes. Cependant, en 1998, le mythe Bugatti renaît, cette fois sous l'égide de Volkswagen, prêt à écrire un nouveau chapitre.